Au tout début des années 90 apparaissent de nouvelles technologies : côté ordinateur, on envisage de passer les disques durs à 2 Go; côté télévision, on voit apparaître des télés avec une chaîne principale et une autre en médaillon sur l'écran (ce truc là me faisait rêver mais en fait c'est super ridicule); côté télé toujours, on voyait arriver la 5 [
1] et dans les voitures, les premiers téléphones sans fil [
2]. Il s'agissait de combinés de 13 kilos, avec touches fluos-éléctroluminescantes [
3] et qu'il fallait recharger tous les quarts d'heures. L'avantage était qu'on pouvait s'en servir comme téléphone sans fil chez soi, mais il faut dire que la base prenait plus de place que le frein à main dans la voiture (inutile de dire qu'il ne valait mieux pas avoir une Smart [
4]).
Mais les téléphones de voiture, c'est bien pour les business-man, les gens qui ont les moyens... et donc pas le temps. Non, il fallait conquérir un marché porteur, un marché qui fait vendre. Les petits ? Trop petits justement, trop occupés à se faire des houpettes et des disques [
5]. Les adulescants, fans de Casimir ? Eh bah à l'époque ils sont tout juste adolescents, écoutant Doc et Difool et se décrochant les cervicales sur
Come Out And Play de Offspring. La liberté totale, fuck les ren-pa ! Vite on va donc trouver un moyen pour qu'ils puissent s'échanger les derniers "Ta mère". On invente donc le Tatoo, ou Tam-Tam selon les marques. Il s'agit de petits objets qui permettent de recevoir des messages (n'allez pas penser qu'il d'agit d'un vrai Tam-Tam, les djeunz sont naïfs mais pas à ce point là) (non, eux ils préfèrent le djembé pour jouer dans des sk8-park). Mais bon, on ne peut pas aller plus vite que la technologie, et pour envoyer un message, une seule solution, appeller un numéro, et dicter son message à une opératrice. On imagine le nombre de fous rires derrière
son combiné du standariste qui recopie "Je te quitte ta mère c'est qu'une p***" [
6] ou simplement à écrire pour la trentième fois de la journée "Prends deux baguettes finalement". Inutile de dire que "On retarde le rdv de 30 minutes j'ai la collique" ou "Hier soir c'était super chaud tu baises comme un dieu" étaient plutôt difficiles à envoyer.
Du coup, on eu l'idée d'ajouter l'envoi de messages aux téléphones portables qui s'étaient d'ailleurs entre temps bien améliorés, passant même par la case Bi-Bop avec ses bornes relais à tous les coins de rue et ses utilisateurs mobiles mais sur 10 m². Au prix de quelques techniques de frappes et 4 francs par message [
7], le djeunz pouvait maintenant envoyer et recevoir directement des messages de ses amis (de ses amis riches faut-il préciser, dans un premier temps dirons-nous [
8]). Finies les tristes situations où on se disait "Mince [
9], j'ai oublié de lui dire qu'il fallait qu'il prenne aussi des Yahourts à la Myrtille" : grâce au téléphone portable, vous pouvez joindre votre ami parti faire les courses pour qu'il vous ramène vos yahourts. Sur cet exemple, le portable n'est pas indispensable mais peut s'averer sympathique (disons que "yahourt à la myrtille" peut-être remplacé par n'importe quoi, mieux encore on peut rappeller à son ami qu'il a oublié son portefeuille ce qui l'empêchera de passer pour un con à la caisse), mais le problème se pose quand en plus de ça, on raconte sa vie alors qu'on voit son
ami 30 minutes plus tard. Soit "tu peu prendr d yahourts myrtille" (où on remarquera que les mots les plus "compliqués" sont écrits en entier) deviendra "tu peu prendr d yahourts myrtille stp jador ça en+ ya un bon film ala tv ac Vin Diesel".
C'est djeunz, c'est frais, il n'en fallait pas plus pour que ce soit récupéré par la télé. Lorsqu'avant on avait des numéros surtaxés pour gagner au 99e appel l'intégrale des singles de Loïs Andréa dédicacés par Dominique Chapatte, aujourd'hui on cherche à ce que le djeunz qui triture son portable dans tous les sens fasse par ennui un numéro pour voter, chatter, avoir un logo de Lorie sur son mobile. En plus, c'est le portable du djeunz, donc pas de ren-pa derrière pour surveiller (que d'abord c'est moi qui paye mon portable grâce aux Mobicarte que j'achète avec mon argent de poche), c'est encore plus la liberté d'envoyer un coucou à sa Chifounette de 3eB au lycée Pierre Perret dans l'emission de Max [
10]. Grâce aux SMS, c'est la joie de pouvoir envoyer des messages à ses amis (ce qui peut s'averer utile en cas d'ami lourd à qui on veut juste passer un bonjour), mais aussi à la France entière par le biais de la télé. Aujourd'hui, le texto est rentré dans les moeurs au point que Lorie déclare dans un moment d'extrême lucidité "un p'tit texto qui dit "je t'aime", ça me va" (oui, en même
temps un texto qui dit "ramène du camembert" c'est pas top glamour). Et on peut même interagir avec la télé, et c'est bien mieux que la carte Multivision : on peut envoyer à Jean-Pierre Foucault qui passe chez Fogiel "C'est votre dernier mot" (quel moment de fou rire), où poser des questions intelligentes à Yves Calvi sur la 5 (enfin France 5, faudrait pas confondre) [
11]. Enfin, les textos servent aussi à voter pour savoir qui de Jean-Pierre Castaldi, Jean-Pascal ou Kenza est le plus populaire pour 0.34 euro de plus.
Notons que pour le djeunz, l'important est de se démarquer. Il est donc impossible qu'il ait le même portable que son voisin, copain, ou que sa mère (ouah la chouma). Du coup, on voit fleurir (*pop*) des sites et des numéros de téléphone pour personnaliser son portable avec un fond d'écran de Clara Morgane qu'on distingue à peine, où avec la sonnerie de
Aventura histoire de s'amuser à découvrir d'où est sortie cette sonnerie qui ne ressemble à rien (mais si, le trucs des mecs, là). Mais ces numéros de téléphone ne sont rien devant les numéros qui permettent de recevoir des textos : astrologie, poème, chat... Pour les poèmes, la règle est simple : en envoyant le prénom de votre bien-aimé(e), vous aurez dans la minute un poème improvisé selon une base de données aléatoire : "Julie, tes yeux sont le voyage près de mon coeur". "Mélanie, l'air pur de ta pensée est le reflet de la santé". "Sandra, l'air pur de ton coeur est le reflet de mon voyage près de ton coeur". C'est nul, mais pour le djeunz ça fait très ado, très paroles "mais tu comprends pas parce que t'es pas un poète toi", très chanson de rock trop
recherchée, bref, trop chanmé.

Le train qui m'a ramené chez moi est donc annulé.
Signalons quand même que les textos peuvent s'avérer bien utiles : outre prévenir les copains que vaut mieux pas sortir ça glisse, que y a le dernier Zazie qui passe en exclu à la Fnac, que Keke78 est tro kool ::))), les SMS permettent de savoir si, par exemple, votre train est à l'heure (ah ah la blague). Ainsi, puisqu'on prend cet exemple (il y en a d'autres sans doute), sachez qu'en période de grève, ce service est très pratique (je prends mon exemple perso) : vous avez un train à 15h, mais qui est part de la toute première gare à 14h (vous le prenez sur le chemin) : un SMS au service SNCF et vous apprenez que votre train est annulé. Vous vérifiez pour les trains suivants : annulés aussi, mais le service est bien foutu (...), il vous indique qu'il y a tel train qui circule. Vous vous reportez à votre grille sur papier (celle qui ne se trompe jamais), et qui vous indique que le numéro du train donné par Monsieur SNCF est juste le numéro du train collé à celui qui a été supprimé. D'ailleurs c'est simple, quand vous demandez si ce train roule au service SMS de la SNCF,
il vous dit que non (donc en plus il vous prend un peu pour un con) [
12]. Vous vous énervez, vous avez dépensé 2 euro pour savoir que des trains partent, ne partent pas mais partent quand même, donc vous allez à la gare, où vous voyez qu'en fait la grève a cessée le midi. Plus à 0.34 euro près, vous retentez votre chance auprès du service SMS, avec le numéro du train, votre train, celui pour lequel vous avez reservé et qui est annoncé à l'heure sur le tableau d'affichage, pour vous faire répondre que le train est annulé (alors qu'il est plus de 14h donc il est déjà parti). Merci donc aux SMS qui partaient pourtant d'un bon sentiment, mais qui au final font perdre de l'argent et les nerfs [
7]. M'enfin ça fait toujours une bonne surprise à la gare où vous pourrez balancer à votre copin(e) : "Slt atoi jspr ke tuva bien :))))))" [
13].
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