Des innombrables routes musicales explorées dans
The Fragile, Reznor choisit d'approfondir celles qui dans ce disque ont fait recette, comme
We're In This Together,
The Day The World Went Away ou
The Fragile. Il choisit de se plonger dans des structures directes et moins complexes, qui donnent du relief à voix, aux mots, aux mélodies et aux refrains, comme jamais il n’avait osé faire jusqu'à présent. Bref, Reznor nous a livré un recueil de chansons, au sens premier du terme.
Si quelque chose de With Teeth frappe d’emblée, c’est bien le sens inné des mélodies de Reznor qui n’a rien perdu depuis toutes ces années. L’album est introspectif et intimiste, rien à voir avec le concept
The Fragile. Trent n’a plus autant recours à la violence comme dans
The Downward Spiral, sauf en épisodes isolés comme
You Know What You Are et
Getting Smaller (et encore, si on peut appeler ça de la violence, sachant ce que Reznor est capable de faire…). Ce qui ressort de
With Teeth est un Trent Reznor finalement en paix avec lui-même, mais en rien en paix avec le monde qui l'entoure.
Reznor a débuté sa carrière dans les années 80, et entend bien le rappeler avec
Only (second single du LP), qui débarque tout droit de cette décennie synthétique et minimaliste, sans la moindre modernité sonore: mais ne vous y trompez pas, cette chanson (dont le clip réalisé par David Fincher est mémorable), ainsi que le premier single
The Hand That Feeds, font partie des moins bons moments de l’album. L’ «opération-nostalgie», arrive à son apogée dans
Sunspots. Au niveau du travail studio, Trent Reznor s’est, comme toujours, très peu entouré : Dave Grohl à la batterie et Alan Moulder aux manettes suffisent. Mais malgré la dextérité et l’expérience qu’ont ces gens là pour faire du rock, les artifices et la production n’ont pas réussi pour autant à cacher la nature "pop" des chansons de cet album. Par exemple, l’introductif
All The Love In The World, qui commence par une voix en sourdine et un petit groove drum’n bass, prend au fur et à mesure de l’ampleur pour au final se transformer en un chœur cadencé par un petit gimmick joué au piano qui plus pop ne se peut.
Every Day Is Exactly The Same, avec sa mélodie accrocheuse et son refrain entraînant comme seul Reznor sait le faire représente mieux que chaque autre morceau le ton de l'album.
Si dans la «partie centrale» de l’album Reznor laisse entrevoir ici et là des vides d'inspiration, les morceaux concluant le disque sont dignes de ses plus grands chefs-d’oeuvre :
The Lins Begins To Blur, avec ses couplets acides et lourds, qui se transforment dans un refrain épique, sont du meilleur effet.
Beside You In Time, un véritable hymne mélancolique et onirique. Et de ses cendres Trent revient à la vie avec
Right Where It Belongs, intense, désespérée, digne héritière du mythique
Hurt, avec un des textes les plus beaux jamais écrits par Reznor.
Ainsi elles sont les choses, très simplement. Entre les petits défauts et le fort potentiel des chansons, les trésors ne manquent certainement pas, et force est de constater que Reznor n'a pas jamais chanté ainsi bien. Avec ses points forts et défauts
With Teeth n’est rien plus que l'oeuvre «mineure» d'un artiste supérieur.
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